Nouvelles tetes

Publié le par Jullian

Réveil 7h. Noor s'en va, ainsi que toutes les bonnes de la ville, pour une journée touristique a Beyrouth et quelques lieux autour. Une nonne catho a loué un bus et va superviser tout ça. Je prends mon petit déjeuner au calme. Les autres se réveillent deux heures plus tard. On est tous les trois sur le départ. Je retourne sur Beyrouth. Marco va aller dormir dans la vallée un jour ou deux. Et Antoine part sur Tripoli avant de poursuivre je sais plus ou. Marco et moi on paie notre note. Antoine prévient qu'il part.
"Ah oui, euh, au fait, je vais partir aujourd'hui...merci pour tout, hein, c'est sympa, vraiment."
Et il s'en va sans payer ses deux jours, ses deux nuits, ses deux petits-déjeuners, plus tous les a cotés. Sans rien laisser du tout. Personnellement, je trouve ça minable.
Je suis content que nos voies se séparent, mais triste de quitter Bcharré.

Je m'endors dans le minibus. Le chauffeur me réveille, on est avenue Charles Helou, comme prévu. Je descend vite mais dans le coltar, lui file la thune (erreur!). Ça ressemble pas a ce que je connais. Je suis en plein milieu d'une zone industrielle-commerciale avec une sorte d'autoroute qui la traverse. Qu'est-ce que c'est que ce plan encore ? Je lui dis que je veux être a l'autre extrémité de Charles Helou. Il en a rien a carrer. Je rassemble mon énergie pour gueuler. Rien a faire, le connard se barre. Cette avenue est peut-être la plus longue de Beyrouth. Et en réalité, j'étais même a plus d'une borne du début de l'avenue, donc 5-6 km de mon hôtel. C'est donc bel et bien un enfoiré de première. Va falloir que je tope un taxi au milieu de ce traffic de fou, et qui va essayer de m'arnaquer bien sur. C'est bon de revenir a Beyrouth, sa petite routine...

Je suis fortement ironique, au cas ou j'aurai pas été assez clair. Et même si retrouver Wissam, Zaher, et rencontrer quelques têtes nouvelles me font apprécier par moments d'être sur Beyrouth, ces derniers jours ici n'auront été ni trépidants, ni mémorables, ni même particulièrement agréables.

Vous pouvez donc sans regrets passer tout le reste de cet article, et les suivants s'il y a, qui parlerons encore de Beyrouth. Sans blague.

J'ai toujours droit a ma place de choix sur le balcon, ou Wissam partage avec moi son narguilé tous les soirs (ce qui est un privilège que j'apprécie a sa juste valeur). Je retrouve mon bon Peace, ce qui est aussi une bonne chose.


Et rencontre deux mecs sympas, Luigi et Jamal. C'est a peu près tout pour le coté positif des choses. Sinon, ce qui m'énervait déjà la dernière fois m'énerve encore plus, et ce que je tolérais sans trop de problème devient ennuyeux. Comme le prix de la vie, de la bouffe, l'absence de choix dans les restos abordables, les multiples check-points, le coté bourgeois, superficiel, tape-a-l'oeil et distant d'une bonne part des habitants, l'absence de choses a visiter et la relative banalité de la ville... Et toutes ces petites choses mises bout a bout me laissent comme un goût amer a propos de cette ville, dans laquelle je suis pourtant resté coincé une seconde fois. Inexplicable.

D'une part, le groupe de touristes qui traîne au Talal's Hotel est totalement renouvelé, et l'harmonie et la bonne ambiance qui existaient la semaine précédente n'est pas au rendez-vous. Des coréens très discrets, quelques allemands avec qui je n'ai pas d'atomes crochus, un américain fantomatique, un ukrainien fêlé et désagréable, un anglais bruyant et bavard qui s'entend comme larron en foire avec un suisse absolument détestable, snobinard, débile, parlant avec mépris et sur un ton agressif aux locaux, comme s'ils étaient attardés et/ou forcement animés de mauvaises intentions.

Reste un vieil australien, barbe et cheveux longs et blancs, ayant trimballer son petit gabarit un peu partout. Un moment, il me parlera de l'endroit qu'il a préféré après toutes ses années de voyage. Le sud du Tadjikistan, qu'il a traversé en une dizaine de jours. Une longue et belle chaîne de montagne tout le long de la frontière, des arrêts successifs chez l'habitant ou il est reçu comme un roi, avec le toit et des festins, des sourires et de la chaleur. Ok, n'en dis pas plus, je vais devoir rajouter un pays a ma liste, c'est malin. J'arriverai jamais en Mongolie a ce rythme.

Je rencontre aussi Luigi, un italo-peruvien de Lima de 37 ans, très amical, toujours de bonne humeur. Ses origines lui donnent un accent en anglais qui est vraiment irrésistible et malheureusement intraduisible par écrit.


Je tombe enfin sur Jamal qui, a son grand bonheur, est arrivé en compagnie de Miles, l'anglais, et du suisse dont j'ai oublié le nom, appelons le "Trou du cul" pour la convenance du récit. C'est un Lillois (de St Thomert pour être précis) de 26 ans, qui est parti pour un an. Ça doit faire sept mois qu'il est sur la route et il a pas chomé. Il avance vite, visite vite, reste peu dans chaque ville. Il a la bougeotte, quoi. Quand on se rencontre, il arrive de Syrie. Il a passe la frontière entre Alep et Tripoli, visiter la ville, puis Bcharré et la vallée, puis Byblos et est enfin arrivé a Beyrouth. Tout ça en une journée ! Et 5 jours plus tard, il repartait en Syrie (tout en se demandant pourquoi il était resté si longtemps). Pour comparer, sa journée (sans compter le passage de frontière et Byblos), ça m'a pris une semaine...


Il a réussi a se fiancer pendant son voyage aussi. Il a rencontré une indonésienne a Singapour. Deux mois plus tard, ils étaient fiancés. Quand je vous dis qu'il va vite...Il aurait pu tomber plus mal car en plus d'être ravissante, c'est la fille d'un richissime couturier dont le nom m'échappe (apparemment connu en Asie), et elle-même va ouvrir une boutique a Miami. Attention, hein, ça rigole pas ! On lui a fait des tas de costumes, chemises sur-mesure...Par contre, il a eu le droit a tout un interrogatoire et une batterie de tests de la part du père (c'est sa seule fille), digne d'une comédie américaine (ou d'un film d'horreur, au choix), avec des questions du genre : "Si tu devais sauver de la mort une seule des deux, tu sauverais qui ? Ta mère ou ta femme ?". Les fiançailles sont lancés, elle prépare tout ça et lui envoie des photos de robes. Au désespoir de son indonésienne, il a insisté pour finir son voyage. Maintenant, il doute, se demande ce qu'il fout. Il sait pas trop ce qu'il veut, ou plutôt il semble tout vouloir, le beurre, l'argent du beurre, et le cul de la crémière. Pas encore prêt a se fixer. D'ailleurs il se comporte comme un célibataire. Comme il le dit lui-même il part un peu en couille depuis qu'il est en voyage. Musulman pratiquant, avant son départ, il n'avait pas raté une prière pendant cinq ans. Maintenant il essaie de faire celle du vendredi midi. Essaie...Quand je lui propose une bière, il répond avec un sourire un peu ironique :"Non merci...Je suis un bon musulman". Quand je lui propose une cigarette, toujours sur ce ton un peu exagéré :"Tss, j'suis un bon musulman". Par contre, difficile de me sortir la même chose sur les femmes. Mais bon, pas de quoi l'envoyer en enfer non plus, a mon avis, M'sieur le juge.

Dans mon dortoir, je me retrouve avec Luigi, Peace, un américain pas muet mais c'est tout comme, et Andrei, l'ukrainien. John, avant de partir, m'avait parlé de lui parce que la veille, il s'était engueulé avec Brandon (wow ! on dirait un soap international !). Brandon lui avait dit que ses (arrières?)-grands-parents, juifs, s'étaient fait tués par les russes (un pogrom ou je sais plus). Ce que notre partisan de la Grande Russie avait moyennement apprécié (va comprendre pourquoi), d'où la dispute. Andrei pique sa crise et fout Brandon hors de la chambre, qui se met a pleurer dans le couloir (il était bourré aussi, ça aide). Le vrai drama. Ça a le mérite de m'avoir bien situé le personnage, même si John, Koffi Annan des travellers, ne voulait pas le blâmer en prétendant que c'est un bon gars par ailleurs.

En rentrant dans le dortoir le soir, j'ai l'impression de rentrer dans une chambre frigorifique. La clim' est a fond, a 15 degrés, et soufflage maximum. Je demande aimablement ce que c'est que cette ambiance arctique alors qu'il fait 35 degrés dehors. Andrei, avec son éternel sourire de celui qui sait mieux, de petit futé qui se fout bien de ta gueule, dit que la température est normal la, pas froid, et que je peux prendre une couverture. Un peu, mon neveu, qu'il va me falloir une couverture, mais c'est plutôt une peau de bison qu'il va me falloir. Luigi arrive a son tour. Même réaction, même argument. On déteste tous les deux la clim', mais y'a pas moyen de discuter avec Ivan le Terrible. Peace est dans son monde, Harpo l'américain reste dans son personnage. Pas de soutien de ce coté la. On essaie de s'expliquer, de s'arranger. Rien a faire, ça bouge pas d'un degré. Ok, bonhomme, tu la joues comme ça...

Publié dans LIBAN

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