Tonio is back

Publié le par Jullian

Samedi 28 Mars 2009


Réveil tardif et difficile. La veille, Antoine est arrivé. De retour de Gokarna. Sa mohan veena sous le bras, et accompagné de la charmante Anoushka, une lyonnaise qui se trimballe en Inde, Népal et peut-être ailleurs ensuite, pour près d'un an a priori. Naturellement, ils sont venus directement à Kumiko, mais y'avait pas de chambre de libre, alors ils sont partis chez les voisins, au Om rest-house. On s'est donné les dernières nouvelles avec Antoine, et commencé à faire connaissance avec Anoushka. Chai sur les ghats, pétard ici et là, bouffe au Shiva. On reprend les repères de notre routine d'alors. J'ai eu un mal fou à me sortir de ma défonce pour aller à mon cours de tabla. Thé, promenade, douche froide. Je suis pas complètement sobre à mon arrivée mais suffisamment pour assurer.


Une chambre se libère après mon petit-déj. Elle est mieux que la mienne (y'a un gros fauteuil confortable, des rangements dans le mur, un miroir, et toujours un balcon – des petits détails qui rendent la vie agréable et donne l'impression d'être dans un véritable appart), alors je déménage, et vais réveiller mes deux compères pour qu'ils prennent ma chambre. 12H30. Ils viennent tout juste de se réveiller. C'est le contrecoup des 36 heures de train qui les ont emmenés ici. Anoushka était censée prendre un bus pour Kathmandu ce matin. Son visa se termine aujourd'hui, donc elle arrivera pas à la frontière à temps. Ils déménagent à leur tour.


On se retrouve dans l'après-midi pour se promener et glander un peu. Puis on va au resto le soir sur Assi Ghat. Des bonnes pâtes fraiches. Aaaaaarrrgh. Trop bon. Manque que le vin rouge. Pétard – discussion – musique dans ma chambre en attendant 23h, heure à laquelle Anoushka quitte l'hôtel pour prendre un train. On est bien défoncé et se lance dans la vision de « Steak », avec Éric et Ramzy. Je suis agréablement surpris (ou absolument défoncé – ou les deux) par la qualité du film. Je délire trop à le mater. C'est complètement barge, absurde, et bien filmé. Tout bien. Un pur ovni comme je les aime.


Galants hommes comme on est, on accompagne Anoushka jusque Godaulia, où elle prend un rickshaw. La rencontre fut courte mais bien sympa. Peut-être qu'on se recroisera. De retour à l'hôtel, Antoine va se coucher, et moi, l'effet des pétards me tient éveillé jusque 3h du mat, dans un état semi conscient à glander sur l'ordi, jeu de carte après jeu de carte.



Dimanche 29 Mars 2009


Encore un réveil difficile. Nuit courte et sous effet stupéfiant, alors forcément je suis pas de première fraîcheur. Et puis j'ai cours à 11h30 et n'ai toujours pas répété. C'est pas bon tout ça. Avec la présence d'Antoine maintenant, va falloir que je m'organise mieux, et que j'impose des plages de temps pour répéter, pour étudier, écrire, et que je m'interdise tout excès de pétard et refuse de le faire en journée. Déjeuner au lance-pierres, douche froide, et je répète une petite heure avant de me rendre chez Jyan. Après le cours, il me fait un bon petit repas et on mange ensemble. Très bon. Il m'a appris que son ami Vinod, un véritable virtuose de la flûte indienne, viendrait aussi avec nous à Bhagsu. Ça c'est une bonne nouvelle. Je vais être entouré de prodiges musicaux pendant un peu plus de trois mois, ça va être dément.


Antoine a chopé du teush première qualité par l'intermédiaire d'Olivier, un joueur de sitar. On essaie le produit. Boum. Une taffe et c'est parti pour des heures. On rejoint Olivier et un petit groupe de ses amis à un restaurant sur Godaulia. Fiona, la femme indienne d'Olivier, qu'il vient d'épouser au Népal. Anne, une de ses amis. Et Henrik, un suédois. L'ambiance met un peu de temps à se décoincer. On est un peu tous timides et embarrassés, c'est étrange. Moi ce qui me bloque aussi un peu plus, c'est que je voudrais parler anglais, par égard pour Henrik, mais le fait que tout le monde sauf lui est francophone font que beaucoup de ce qui se dit est en français. Même quand je lance des trucs en anglais, Olivier me répond en français. C'est mou à démarrer et ça continue pas sur les chapeau de roues non plus. Il faudra une autre soirée encore pour vraiment briser la glace. Ou alors, on a rien à se dire. C'est possible aussi. La bouffe, en tous cas, est délicieuse. Une adresse à retenir que j'ai déjà oublié.

Mardi 31 Mars 2009


Je me suis encore levé tard et la tête dans le cul. Va falloir être plus rigoureux pendant les soirées. Je perds toutes mes matinées. 11H30. Shiva. Je tombe sur Antoine, dans le même état. On est bientôt rejoints par Lucie et Israel (« Oh no ! I don't go with french people !). A la première occasion où on se trouve à se parler en français, Israel gueule comme une diva : « Voilà, c'est pour ça qu'il faut pas se retrouver avec des français ! ». Même s'il déconne, je comprends carrément, et je crois que c'est un truc typiquement français en effet. Comme l'autre soir au restaurant, où le pauvre Henrik se retrouvait exclu de la plupart des discussions. Ça me saoule aussi.


De toute façon, Israel tient pas en place, comme d'hab. Il va draguer deux nanas à une autre table. Puis va se tenir en haut de l'escalier, et commence à chanter de l'opéra avec sa voix de casserole à l'intention de la salle amusée. Un dernier petit coup de « Carmina Burana » et il s'assied de nouveau. Pour un moment. Il commence à toucher un des serveurs, lui pince le téton, et lui propose de s'asseoir sur ses genoux. Il retourne bientôt draguer les nanas, entre deux bouchées de son gâteau à notre table. Israel dans son ordinaire folie, quoi.


La journée est trop chaude pour faire quoi que ce soit à l'extérieur. Pendant une grande partie de la journée, les ghats sont désertés, les chai-shops vides voire fermés. Quelques irréductibles lavent du linge au bord du Gange, quelques gamins trainent dans le coin ou courent après des chiens qui aimeraient bien être tranquilles, alors que des vieux siestent à l'ombre des bâtiments. C'est déjà l'ambiance estivale, plombée de chaleur, de silence, de nonchalance. Le Gange est presqu'à son niveau le plus bas, et le fleuve est inanimé, immobile, et orphelins de ses barques, qui restent oubliées sur la berge, n'ayant personne à transporter.


Moi je reste dans ma chambre, le ventilo en marche, et j'alterne pratique de tabla et pause (écriture, jeux, études...). La journée passe vite ainsi, trop vite. Bientôt l'heure de mon cours. J'enfourcherai mon vélo, et me rendrais un quart d'heure plus loin, chez Jyan. J'arriverai en état semi-liquide, couvert de sueur, et attendrais paisiblement, beedie en bouche, que Roman finisse son cours et que toute cette sueur sur moi sèche et me permette de jouer sans tremper les tablas.


Cours annulé, alors je m'attelle à l'apprentissage de l'hindi, et fait des lignes d'écriture. L'écriture est pas si difficile et ça commence à rentrer. C'est la prononciation qui risque d'être le plus compliqué à choper.


Chai sur les ghats avec Antoine. Le patron du magasin de musique « Kashika » nous rejoint. Il a choisi Antoine comme confident pour ses problèmes de cœur. Voilà pourquoi il est sorti de son magasin, pour en parler tranquillement avec lui. Ce n'est que la troisième ou quatrième fois en neuf ans qu'il se pose sur les ghats. Sinon, il passe son temps au magasin. Il est perturbé parce qu'il est tombé amoureux d'une japonaise, joueuse de sitar qui prend ses leçons dans son magasin. Il doit avoir autour de 35 ans je pense, et il est toujours célibataire, ce qui est déjà assez exceptionnel. Il est pourtant pas moche, intéressant, et possède une boutique qui marche. J'imagine que le mariage pour le mariage ne l'intéresse pas. Ça doit être un romantique, comme le suggèrent ses sentiments actuels.

Il va monter aussi sur Darhamsala avec toute la troupe qui commence à se former. C'est cool. Je le connais mal mais je l'aime bien, ce type. Il est posé et intelligent, avec une vraie bonne personnalité, ce qui est exceptionnel pour un marchand, plus souvent corrompu par l'attrait de l'argent, le business. Et c'est toujours bien de connaître un marchand et fabricant d'instruments.

Ces quelques vingt minutes passées ensemble sur les ghats sont donc comme des vacances pour lui. Il demande à Antoine ses projets :

« Après, retour en France pour travailler dur (hard work), se faire de l'argent et revenir ?

- Ooooh...Travailler dur...Travailler dur...

- Tout travail est dur, non ? (All work is hard work, no ?).

- Ouais, vu comme ça, ouais. Je vais bosser un peu, faire des sites internet (...)

- Alors c'est travailler dur, yaar ? C'est pas comme quand t'es en voyage. Ici, tu te ballades, tu pratiques un instrument (…)

- Hé ! Pratiquer c'est beaucoup de travail !

- Non, pratiquer, c'est pas du travail, c'est du plaisir. Si je ne faisais que pratiquer, je serais heureux. Et je vois, les touristes qui pratiquent et se balladent le sourire aux lèvres, contents. La pratique, ça donne de la joie. Le business, ça donne de la tension et des maux de crânes. Quand je peux pratiquer, ça me détend. »


Soirée Western avec Antoine. « 3h10 pour Yuma » avec Russel Crowe et Christian Bale. Bon film. Antoine est intrigué par le dernier Rambo, alors on se met le début. Bonjour l'ambiance. La junte birmane dans toute sa splendeur. Ça massacre à tout va. Images d'actualités au début, bien horribles. Puis la scène du carnage d'un village Karen, à coups de mortier, de fusil, de machettes et j'en passe. On nous épargne rien et c'est peut-être la scène de « guerre » la plus horrible que j'ai jamais vu. Aucune pudeur (hypocrisie?) sur les démembrements à la machette, les têtes explosées par les balles, les corps déchiquetés par les bombes, les enfants qu'on trucide avec cruauté, même un bébé jeté vivant dans un feu... C'est d'une horreur pas croyable et je passe mon temps à gueuler des « Non ! Putain ! Mais c'est pas vrai ! La vache ! ». C'est pas beau la guerre quand c'est « réaliste ». Je coupe le film et la soirée parce que j'ai cours demain matin et que je veux y arriver frais.

Publié dans INDE

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