Un aperçu du Kerala

Publié le par Jullian

Départ pour Cochin, dans le Kerala voisin. On prend un bus de nuit, ce qui enchante pas ma mère mais on n'a pas le choix. Je fais la rencontre d'une charmante pickpocket. Le bus est bondé, des indiens se tassent debout dans l'allée. Debout à côté de moi, une nana arrête pas de m'enfoncer la poignée en bois de son sac dans le flanc. Ça commence à me saouler alors je lui propose de prendre son sac sur mes genoux. Elle est toujours collée à moi, mais au moins j'ai pas les côtes ravagées. Elle fouille de temps en temps dans son sac, pour y faire je ne sais quoi. En fait, pour divertir mon attention, tout comme l'étaient les coups avec le sac j'imagine. Pendant ce temps-là, une main est en train de farfouiller ma poche sans que je le sente, ce qui est plutôt impressionnant parce que moi-même j'ai du mal à sortir mon porte-monnaie de ma poche quand je suis debout. Chapeau. Elle sort du bus en me remerciant et me lançant un large sourire chaleureux. Elle peut bien faire ça. Elle a eu de la chance : à cours de monnaie, je venais de mettre un billet de 1000 Rs dans mon porte-monnaie. Elle a gagné son mois. Et moi j'ai perdu mon joli porte-monnaie. C'est surtout ça qui fait chier. Plus le fait de m'être fait rouler dans la farine en beauté.


On arrive à Ernakulam aux aurores avec peu de sommeil derrière nous. Cochin, c'est divisé en plusieurs parties. Ernakulam, c'est la ville moderne et grouillante, sur le continent, lieu de départ et d'arrivée d'à peu près tous les transports. Fort Cochin, où on se rend, c'est la ville coloniale, une péninsule tranquille qu'on rejoint par bateau ou en traversant un pont routier. Les ferrys sont pas encore de sortie à cette heure alors on prend un taxi qui nous emmène jusqu'au quartier touristique, au nord de la péninsule. Avec notre chauffeur, on essaie un tas d'endroits, mais c'est soit plein, soit trop cher. Et puis, y'a aussi le fait que notre chauffeur espère se faire une petite commission alors naturellement il nous trimballe dans tous les endroits où ça paie bien. On a beau insister, il n'en fait plus ou moins qu'à sa tête. Lassés et fatigués, on va pour prendre une chambre (pas trop chère) dans un hôtel qui ne paie pas de commission. Du coup, notre chauffeur nous lâche, dépité. On s'y rend à contre cœur parce que le gérant est aimable comme une porte de prison, voire franchement malpoli. Et juste à ce moment, on se fait choper par un habitant qui loue des chambres. C'était trop cher quand on lui avait parlé en compagnie du chauffeur de rickshaw, mais maintenant qu'il est parti, il veut bien baisser son prix. Et on se retrouve dans une chambre sublime, toute blanche, avec un énorme balcon. Le pied.


Le temps de poser les bagages et je sens que je vais aimer cet endroit, et pense déjà à rallonger le séjour. Le plan c'était ensuite de partir pour une ville près des fameuses backwaters, et enfin de se poser à Kannur, ville côtière tranquille dans le nord de l'état. Mais il nous reste peu de temps, et on choisit finalement de profiter de l'endroit plutôt que de s'éparpiller. On restera 5 jours délicieux et on le regrettera pas.



Fort Cochin est un endroit très tranquille, très beau, et très différent de l'Inde que je connais. Occidentalisé si on veut. L'empreinte coloniale est très présente, et pas seulement dans l'architecture mais aussi dans la mentalité de ses habitants. Plus riches, plus cultivés, et avec une cohabitation des religions plus poussées qu'ailleurs. En quelques kilomètres carrés, on peut voir des catholiques fervents – comme notre logeur - fréquentant les églises baroques à la portugaise (on assiste même à un baptême ; après le mariage en sari qu'on a vu à Pondicherry, il nous manque plus qu'un enterrement et on aura fait le tour); on passe par le quartier musulman, avec sa mosquée, ses innombrables fanions verts (couleur de l'islam), et ses affiches de soutien aux Palestiniens qui se font massacrer au même moment par Israël ; non loin de là se trouve le quartier juif, avec sa vieille synagogue, mais dont la très ancienne communauté juive a disparue il y a peu avec les derniers vieillards qui étaient restés sur place (beaucoup étaient partis en Israël) ; et naturellement, il y l'hindouisme, ces temples, ces célébrations...Une cohabitation paisible dans cet endroit particulier, longtemps gouverné, avec beaucoup de succès, par les communistes ! On en avait parlé avec Joël, de cet étrange cas du Kerala au niveau politique. On s'étonnait que le communisme athée ait pu si bien réussir et se fondre dans un pays si profondément religieux, et marqué par un autre système contradictoire, celui des castes. Vraiment un coin à part, le Kerala. Également par sa culture, très présente, très riche, que ce soit en matière de musique, de peinture (la ville possède un nombre incroyable de galeries de peintures), ou bien sûr de danse/théâtre (avec le célèbre Kathakali entre autres). A chaque jour ses évènements culturels, ses concerts, représentations, vernissages...L'effet touriste joue un rôle certain, mais il n'y a pas que ça. Du coup, on est un peu loin de la « véritable » Inde (c'est quoi la « véritable » Inde), ou des images d'Épinal sur le continent. Ça me dérange pas, et ma mère apprécie aussi cette tranquillité, l'absence de trafic.



Cet absence quasi-totale de circulation, et le fait que tout se tienne en 5km², c'est un pur plaisir de promeneur. On se rend au nord de la péninsule, où se trouve les filets de pêcheurs à la chinoise. Une rangée d'immenses filets harnachés à des gigantesques structures en bois qui fonctionnent comme des grandes balançoires, avec le filet qui plonge jusqu'à 10 mètres de fond d'un côté, et des rochers qui pendent pour faire contre-poids de l'autre côté. Ils sont 3-4 familles à vivre des fruits de chaque filet.



C'est la basse-saison en ce moment alors les pêcheurs sont plus occupés à attraper des touristes. Ils ne font fonctionner les filets que pour faire attraction touristique. Les touristes sont invités à monter sur la plateforme des filets, prendre des photos, remonter le filet en tirant comme un bossu sur les cordes avec l'équipage, et laisser une donation généreuse pour aider à nourrir la famille (j'en ai laissé 60 « Vous savez, il y en a qui laisse 200 Rs... - Ah. Ben, tant mieux pour vous »).



A côté se trouve un petit marché au poisson. 20-30 personnes, pas plus, qui se regroupent en petit cercle autour des arrivages (thons et autres), qui sont pesés et vendus aux enchères. On longe le bord de mer sur une corniche bétonnée où se promènent touristes et familles indiennes au complet, venus admirer le coucher de soleil sur le large. On se pose sur un petite plage. Trempette dans l'Arabian Sea, puis, le cul dans le sable, on mate les indiens jouer avec les vagues.


Ma mère est au bord de la folie. On est posé sur le balcon d'un restaurant, après la tombée de la nuit, et on est assailli par un escadron de moustiques. Énormes, incroyablement nombreux, et assoiffés de sang, ils nous dévorent et nous tournent autour sans répit. On passe notre temps à les tuer en tapant dans nos mains. On doit avoir l'air ridicules. J'ai jamais vu ça, et ça me saoule sérieusement, j'ai hâte de me barrer. Ma mère, elle, est au bord de la crise de nerf, en colère, comme si quelqu'un lui en voulait personnellement. On gobe nos crevettes au prix exorbitant, et on se rentre.

Publié dans INDE

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