Méditation Vipassana

Publié le par Jullian

Jaipur - Octobre 2008


« Je suis déçu, triste pour toi, parce que t'as fait le plus dur, et tu manques le plus intéressant, le plus gratifiant. C'est dommage. Tu sais, j'ai déjà fait 5 sessions de 10 jours, plus 2 qui sont des cours pour les « old students ». Je suis passé par plein d'états différents, j'ai fait des tas d'erreurs, même après plusieurs fois. Moi aussi, je me suis déjà retrouve en pleine confusion, plus moyen de se concentrer, assailli par des tas de pensées, impossible de se concentrer sur rien, même la respiration. Mais après, c'est revenu. Y'a des moments, des passages comme ça. Si tu as vécu des moments intenses, c'est parce que tu as été chercher plus profond que les autres. Tu sais, si pour les autres, tout se passe sans problème, c'est parce qu'ils sont restés a la surface, ils se sont pas investis autant que toi. C'est étonnant parce que les premiers jours tu étais tellement...

- J'étais a fond dedans.

- Ouais, tu as travaillé très dur, très intensément.

- Ouais, mais la je ressens plus rien, j'ai perdu tout le travail que j'avais accumulé. Tous ces efforts, ce travail acharné...Envolé, disparu. Il n'en reste plus rien.

- Tout ce que tu ressens maintenant, c'est la conséquence du travail que t'as effectué et de la puissance de la « chirurgie » que t'as appliqué avec Vipassana. Tous ces sankharas sont remontés à la surface. C'est dommage, tu verras pas le résultat de tout ton travail. Et maintenant, les cinq derniers jours, c'est du plaisir, c'est incroyable. Si on dit de ne pas partir au milieu des dix jours, si on te le fait promettre, c'est parce que ça revient au même que de partir au milieu d'une opération. Ça peut être dangereux. Ça va forcément avoir des conséquences. Je ne sais pas sous quelle forme, mais ça va en avoir, tu verras.

- Je comprends toujours pas pourquoi j'ai du passer par ces deux heures de torture, de pure souffrance. Je n'en vois pas l'utilité, je n'en vois pas le but. Pourquoi ? Pourquoi deux heures ? Une heure, je peux tenir. C'est dur, mais je supporte. Mais deux heures ! C'était l'enfer ! La douleur était tellement incroyable.

- Tu aurais du bouger un peu, bouger les jambes

- Ah ! Mais il faut savoir. La seule consigne, c'était « Ne bougez pas. N'ouvrez pas les yeux ». Alors j'ai pas bougé. J'ai souffert, souffert comme c'est pas possible, mais j'ai pas bougé. C'était la consigne alors je l'ai suivi jusqu'au bout. J'avais confiance en vous, en ce cours...alors j'ai appliqué sans me poser de question, car je voulais faire au mieux, ne pas tricher. Mais maintenant, je me sens trahi. On me dit que la consigne n'était qu'un objectif, qu'elle pouvait être brisée un minimum si le besoin en était trop grand. On me dit que les autres ont bougé, ont fait ce qu'ils ont pu, mais ont bougé pour se soulager...Moi j'ai pas triché, j'ai suivi tout parfaitement. Et j'ai été récompensé par une douleur traumatisante, et par la perte de toute ma concentration. Je souffrais et j'étais envahi par une immense colère. Et cette colère a tout emporté avec elle. Le prof dit que cette colère, c'est les sankharas qui sont remontés. Moi je dis que cette colère est bien plus simple que ça. Je sais d'où elle vient, elle était claire, simple, ciblée. Elle était dirigée envers ce cours, le prof, Goenka, toute l'institution. Je voulais les tuer pour me faire souffrir comme ça. C'était une colère très concrète, pas un flot de négativité remonté de je ne sais où. Après, cette colère est restée, ou revenue, toujours après les mêmes cibles, mais parce que je leur en voulais d'avoir ruiné tout mon travail des jours précédents. »


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Je me suis inscris à une session Vipassana au centre de Jaipur, par internet, depuis Bahgsu. Un petit arrêt à Amritsar, une semaine à patienter sur Jaipur, ville néfaste et stressante, et me voilà enfin au Centre Dhamma Thali, dans des collines à l'extérieur de Jaipur.


Je sens à son accent qu'il est français.

« Tu viens d'où ?

- France (dis-je en souriant).

- Ah ben on va pouvoir parler français alors (…) Ah mais t'es breton, non ?

- ! Ouais...

- C'est l'accent, je reconnais.

- Ben merde alors, ça s'entend tant que ça ?

- Non mais j'ai des amis en Bretagne alors je reconnais l'accent.

- Et toi, tu viens d'où ?

- Agen. »


Stéphane, 37 ans. Saxophoniste. Lors de ce voyage, après deux mois au centre Vipassana de Jaipur, en tant qu'assistant, il va à Mangalore, au nord du Kerala, où il va rencontrer un saxophoniste indien, à qui il compte demander d'être son disciple pour quelques mois, le temps d'épuiser ses économies, avant de repartir en France. Il veut apprendre la musique carnatique. Y'a pas des masses de saxophonistes en musique carnatique mais y'a celui là. Il vit aussi de petits boulots comme ouvrier agricole, avant de mettre les voiles, revenir en France pour se refaire de l'argent, et repartir. C'est un choix de vie, comme il dit. Ça a ses inconvénients mais tant que c'est assumé, tout va bien. Il a voyagé et vécu de longues années en Afrique. Deux ans au Bénin en particulier.


Un autre français de La Baule, infirmier libéral à la retraite. Sa première méditation Vipassana, c'était en 1981. Il va entamer avec nous sa 27ème session. En France, il bossait comme un malade, de tôt le matin au début d'après-midi. Trois heures de pause, et il enchaînait alors jusque tard le soir. Même alors, il arriver à coincer une heure de méditation par jour, plus quand il ne travaillait pas. Maintenant il savoure sa retraite, et se replonge plus intensément dans la méditation.


Dernier français, Charles, qui vient de bosser dix ans en Chine (6 ans et demi à Hong-Kong, le reste à Shanghai). Il importait du vin français. Il en a assez et vient de quitter son boulot. Il est venu spécialement de Chine pour faire Vipassana, dont des amis lui avaient parlé. Il est arrivé la veille et repartira le lendemain pour Shanghai, avant de prendre ses valises direction Paris, à la recherche d'un nouveau travail. Il a peur de se retrouver sur le marché avec une étiquette « Chine » dans le dos. Alors, à 36 ans, il pense que c'est maintenant ou jamais qu'il doit changer de vie. Après, il sera trop vieux et l'étiquette indécollable, on ne lui proposera alors plus que des boulots là-bas.


Un anglais dégingandé de Brighton. Il a l'air un peu lent, a des difficultés à parler et est par exemple incapable de murmurer. Huit mois qu'il est en Inde. Six mois comme volontaire à s'occuper d'animaux je ne sais où, deux mois à vadrouiller. Avec moi, il est apparemment le seul à avoir particulièrement passé un sale quart d'heure pendant la première session de Vipassana. A tel point qu'il est tombé dans les pommes. Revenu à lui, il a passé une bonne heure à trembler de froid, frigorifié quand la plupart d'entre nous suaient à cause de la chaleur. Il a ensuite eu l'air perturbé, plus faible encore qu'il ne l'est naturellement. Il saute même des repas mais reste fidèle au poste et s'accroche vaillamment. Plus courageux que moi, ce bonhomme.


Un espagnol rasta et un autre anglais, « old students » que je n'ai pas rencontré avant le début du cours donc je n'ai trop rien à en dire. Voilà pour la légion étrangère masculine. Quarante hommes, six étrangers. Tous les autres sont indiens. La majorité venant pour la première fois.

Les femmes sont cantonnées ailleurs et je ne ferais que les apercevoir durant le cours.

 


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« Il faut avancer, reprendre le travail.
- Mais je peux pas, je peux pas me débarrasser de cette confusion, de cette colère. Quelque chose s'est brisé. Depuis cette première session de Vipassana, depuis la fin de ce quatrième jour, plus rien ne va.

- Il faut passer à autre chose, oublier.

- Mais je peux pas oublier. Ce moment m'a traumatisé, bouleversé, et j'arrive toujours pas à l'avaler. C'est coincé, là, dans ma gorge.

- Vous savez, il va falloir que vous appreniez à laisser couler parfois. Même dans la vie de tous les jours, ça va vous apporter bien du malheur.

- Je sais, mais je suis comme ça, j'y peux rien. Je sais pas laisser couler. Je peux pas laisser couler. »



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Préceptes :


  • Ne rien tuer (même un moustique)

  • Ne rien voler

  • Pas de sexe (pas même une petite branlette)

  • Pas de mensonges

  • Pas de drogues

  • Noble Silence : silence de la parole, du corps, de l'esprit. Aucune communication sous quelques formes que ce soit (un regard, une mimique, un geste...). Donc pas non plus d'écriture, de lecture, de musique, de photo ou appareil d'enregistrement...

  • Ségrégation des sexes

  • Pas de bouffe supplémentaire. C'est ce qu'il y a à la cantine et rien d'autre.


Emploi du temps :


4h00 Gong et cloche pour le réveil

4h30 - 6h30 Méditation dans le hall

6h30 - 8h00 Pause petit-déjeuner

8h00 - 9h00 Méditation en groupe (puis pure Vipassana à partir du cinquième jour)

9h00 - 11h00 Méditation dans le hall

11h00 - 12h00 Déjeuner

12h00 - 13h00 Repos

13h00 - 14h30 Méditation dans le hall

14h30 - 15h30 Méditation en groupe (puis Vipassana)

15h30 - 17h00 Méditation dans le hall

17h00 - 18h00 Pause goûter (seulement thé pour les « old students »)

18h00 - 19h00 Méditation en groupe (puis Vipassana)

19h00 - 20h30 Discours de Goenka (vidéo ou audio selon les langues)

20h30 - 21h00 Méditation dans le hall

21h00 - 21h30 Questions public au maître ou dodo direct

21h30 Couvre feu


Notre vie quotidienne est réglée comme du papier à musique. Chacun dans son monde, concentré du matin au soir, ne regardant même pas les autres (pour ce qui est des plus concentrés du moins, comme moi). J'ignore au mieux l'existence des autres, ne fais pas attention à eux. Même pendant les pauses, je marche, je mange, je pisse, je me lave en restant concentré sur ma respiration, encore une fois du mieux que je peux, pas parfaitement. Les séances de méditation sont dures, longues et souvent pénibles. Le temps peut alors sembler long. Mais paradoxalement les journées passent vite. Mes journées sont pleines. Chaque jour, ma concentration s'améliore. Chaque jour, je m'enfonce plus profondément dans mon esprit et son contrôle. Les pensées parasites, le flot incessant de paroles, de voix intérieures qui jaillissent de partout et t'entraînent dans tous les sens, tout cela se calme petit à petit. Les voix sont de moins en moins nombreuses. Elles m'entraînent de moins en moins loin, de moins en moins longtemps. Je reste concentré sur ma respiration de plus en plus intensément, et bientôt plus rien n'existe d'autre dans mon esprit que ma propre respiration, et cette petite partie de mon corps, sous les narines, sur laquelle je dois me concentrer. Je suis serein, et heureux du résultat de mes efforts.

 

Plusieurs étapes:


1- Concentration sur la respiration, sur l'air qui rentre et sort des narines.

2- Concentration sur les points de contact de l'air dans tes narines, sur les cloisons nasales quand l'air y entre, et sur les bords des narines quand l'air en sort.

3- Même chose, mais également prendre conscience d'une zone délimitée du corps, qui contient l'intérieur des narines ainsi que le nez à l'extérieur des narines, et la partie de la moustache qui va des narines au haut de la lèvre supérieure. Être conscient de cette partie et de toute sensation qui peut y émerger. Sans agir sur les sensations (même si ça irrite, démange...). Juste observer et en être conscient.

4- Toujours pareil, mais la zone se réduit à un petit triangle depuis la sortie des narines à la lèvre.

Ensuite on arrive à la technique Vipassana proprement dite. Finie la mise en condition, le travail préliminaire, on attaque le vif du sujet.



4h00. Le gong, et mon alarme. Dix minutes pour faire surface. Je me lève, m'asperge la gueule de flotte, m'habille, me fout de l'insect repellent sur le visage et les pieds (rien de pire pour te foutre ta méditation en l'air qu'un ballet incessant de moustiques autour de toi, et qui viennent se nicher dans ton oreille pour y bourdonner impunément – on ne doit pas tuer), et quitte ma « cabane » en ciment. Je descend tranquillement le chemin qui mène au hall de méditation et me met déjà en condition. Je me dégourdis les jambes, réveille les muscles, et me concentre sur ma respiration.


4h25. Je m'installe à ma place n°29 dans le hall. Hommes et femmes, on doit être une soixantaine. Chacun à son coussin à sa place désignée. Nous faisons tous face aux deux professeurs (absents à cette heure). Les hommes à gauche face au prof-homme. Les femmes à droite face à la prof-femme. On s'installe tous un à un, femmes et hommes arrivant par des entrées séparées. Les plus sérieux d'entre nous évitons de regarder les autres s'installer, déjà dans notre bulle.


4h30. C'est parti pour deux heures de méditation. Il fait encore nuit. Tout est calme. Seul quelques raclements de gorges, et le bruit des gens qui changent de position, cherchant le confort, perturbent quelque peu le silence de la salle.


5h30. Les profs nous rejoignent silencieusement et entament à leur tour leur méditation. La nature se réveille. Les oiseaux se mettent à chanter, les paons à klaxonner (c'est à ça que ça ressemble), les singes à crier. A travers nos paupières, la lumière naissante se fait sentir.


6h30. Le prof des hommes lance son radio-cassette. Sur la bande, la voix de Goenka, qui chante des paroles de Gautama (si je ne me trompe) dans la langue de l'époque (plus de 2500 ans), le pali (?). Ce chant sonne la fin de la méditation, le soulagement pour nos membres torturés, pour nos esprits fatigués, et la joie pour nos estomacs affamés qui vont pouvoir prendre leur petit-déjeuner. Certains sortent immédiatement de leur méditation et de la salle. Femmes et hommes dans des quartiers séparés. D'autres restent encore un peu en position (du lotus), émergent lentement, s'étirent comme au réveil, encore ahuris. Ils rejoignent alors ceux déjà occupés à manger à la cantine, en avançant comme une procession de zombies, un groupe d'autistes qui s'efforcent de tenir le monde extérieur à distance. Même le repas semble alors un rituel, comme si chaque geste était étudié, calculé, économisé. Ceux-là font encore attention à leur respiration. Après le repas, il nous reste une heure de repos. Certains se balladent, dans les allées boisées, sur des circuits pavés, dallés. D'autres s'assoient sur les bancs, immobiles, prostrés ou contemplatifs. Certains font leur lessive, font du ménage dans et autour de leur cabane. Et d'autres enfin font la sieste, comme moi, à l'abri de ma moustiquaire.


8h00. Gong. Passage des assistants et leur cloche. Tout le monde dans le hall, face aux maîtres. On lance une cassette audio. Toujours S.N. Goenka. Il commence toujours par des paroles chantées comme des messes. Cela dure plus ou moins longtemps. Parfois cela semble une éternité, surtout en fin de méditation, quand on attend avec impatience de pouvoir s'étirer. Ensuite, en Hindi, puis en anglais, il donne les indications. Sa voix est très particulière, avec un accent indo-birman, très poussée dans les basses, les fins de phrases finissant en grondement qui fait penser à une espèce de rot de fainéant. Par exemple : « On repart avec un esprit calme. Et l'on se concentre sur la partie triangulaire qui part des narines, jusqu'au haut de la lèvre supérieur. On observe les sensations qui peuvent émerger sur cette zone. Ça peut être n'importe quelle sensation. Pulsation, tension (…) On est conscient de cette zone, on est conscient des sensations, mais agréables ou pas, on ne réagit pas. On ne fait qu'observer. Si une démangeaison apparaît, on ne la soulage pas, on ne s'agite pas, on observe tout simplement. On se concentre sur cette démangeaison. Elle prend de l'ampleur mais on continue d'observer calmement. Et bientôt elle disparaît. Et une autre sensation apparaît, sur laquelle on se concentre également (...) ». La cassette se termine, souvent sur les mots « You are bound to be successful. Bound to be successful » (Vous êtes tenu de réussir. Tenu de réussir). Le silence s'installe et l'on médite une heure, en tenant sa position au maximum, gardant les yeux fermés.


9h00. On a droit à cinq minutes de pause, plus que bienvenues. Ça passe très vite et l'on se remet au travail. Nouvelle cassette. Ensuite les « old students » ont le choix de rester là ou de méditer dans leur « résidence » ou leur « cellule » à l'intérieur de la pagode (une toute petite pièce plongée dans le noir et insonorisée). Ils sortent tous. Nous, les bleus, on reste là à méditer pour les deux prochaines heures. Pendant cette session, le prof nous appelle à le rejoindre, par groupe de quatre ou cinq. On s'assied juste en face de lui, et il nous demande tour à tour comment ça se passe, ce qu'on ressent, quel genre de sensations, si on a des problèmes...On est pas là pour s'étaler non plus, chaque cas prend une minute, et on reprend vite nos places et notre concentration. L'ambiance est plus agitée lors de ces deux heures. Les entretiens avec le prof provoquent un mouvement perpétuel autour de soi, on entend ces discussions et celles des femmes à côté. Et puis deux heures, c'est drôlement long. Tenir sa position pendant une heure est déjà difficile. Parmi les nouveaux, au moins la moitié n'y arrive pas. Mais deux heures, c'est impossible. La plupart sont assis en lotus. J'ai essayé plusieurs autres façons de s'asseoir (on est libre de s'asseoir comme on veut) mais, aussi douloureuse soit-elle, c'est encore la meilleure solution. Les jambes souffrent le martyre mais le dos est plus ou moins droit. Chaque jour, nos jambes s'habituent un peu, notre résistance est un peu plus forte, mais ça reste une épreuve, et beaucoup ne s'entêtent pas et changent de position à chaque fois que le besoin s'en fait sentir.


11h00. Fin de la session sur le chant de Goenka et quelques mots : « Prenez du repos. Prenez du repos ». C'est l'heure de déjeuner. On ne reprend le travail que dans deux heures. Après la bouffe, je médite allongé jusqu'à ce que je m'endorme.


Je me réveille un peu avant 13h00. Gong. Cloches. C'est le début de trois sessions successives. 13H00 – 14h30, 14h30 – 15h30, et 15h30 – 17h00. Quatre heures de méditation, même avec les deux breaks de cinq minutes, c'est long et pénible. Il faut vraiment s'accrocher sur la fin, même si encore une fois, au fil des jours, notre résistance s'améliore.


17h00. L'heure du goûter. Le thé me fait l'effet d'ingurgiter du bonheur liquide. Je vais me poser dans ma chambre, allonger mes jambes douloureuses.


18h00. Nouvelle méditation d'une heure, une des trois de la journée où l'on doit faire de son mieux pour ne pas bouger, mais (encore) sans obligation formelle. Ces trois méditations (avec celles de 8 à 9, et de 14h30 à 15h30) sont les plus intenses, les plus silencieuses. On peut sentir autour de soi, en soi, l'énergie concentrée de tout le groupe. Au bout de ¾ d'heure, c'est moins vrai, car la douleur et la fatigue agitent tout le monde. Après le quatrième jour et le premier cours spécifique de méditation Vipassana, ces trois heures deviendront celles où tout mouvement est banni. On choisit une position et l'on doit s'y tenir. Ne pas bouger les jambes, pas plus que les mains ou quoi que ce soit. Ne pas ouvrir les yeux, à aucun moment. Rester concentré au maximum, à l'écoute de notre corps que l'on scanne de haut en bas, observant les sensations qui nous traversent.


19h00. C'est l'heure du cours dispensé par Goenka, à travers des vidéos pour ceux qui écoutent en Hindi ou en anglais, par le biais de traduction audio pour une bonne quinzaine d'autres langues. Charles et moi sommes accompagnés par Stéphane dans une petite salle. Trois coussins, un radiocassette. Pendant une heure et quart, on écoute un traducteur nous transmettre le discours du jour de Goenka. Les autres étrangers choisissent de regarder la vidéo de Goenka en anglais. Plus tard, quand on pourra discuter, Stéphane me dira que voir Goenka et l'entendre parler avec sa propre voix est bien plus puissant que la simple traduction de son discours. Fallait prévenir, les gars ! Mais bon, l'essentiel est là, le contenu du discours. En gros, il te décrit la journée que tu viens de passer, les difficultés que tu as rencontré, les pensées qui t'ont traversé. Il affine et précise les consignes données au cours de la journée, te donnant des clés pour mieux t'en sortir. Il raconte aussi des histoires, des anecdotes, des paraboles qui t'éclairent sur ta propre situation et sur Vipassana en général. Il parle du Bouddha Gautama, de Vipassana, de la nature des êtres et des choses, du monde tel qu'il est et tel qu'il est perçu. Il développe la « philosophie » de la méditation Vipassana et insiste sur l'importance de l'expérience. C'est d'ailleurs pour cela qu'il nous donne le sommaire et le mode d'emploi de la journée alors qu'elle est finie. D'abord, chacun d'entre nous doit expérimenter par lui-même. Alors seulement nous sommes à même de comprendre réellement ce dont il parle, car on l'a vécu nous-même. Ses discours sont parsemés d'humour, qui passe plutôt mal en français, avec la voix plutôt monotone du traducteur. La vidéo en anglais (dont on peut voir la fin en passant dans l'autre salle, car notre cassette finit plus tôt) semble traversée par une ambiance de one-man-show, renforcée par les rires du public anglais auquel il s'adressait alors.

Notre discours en français finit dix minutes avant celui en anglais, qui finit dix minutes avant celui en hindi. Ce qui me laisse une bonne pause avant de retourner dans le hall pour une demi-heure de méditation.


21h00. Le prof nous libère. On peut rejoindre nos quartiers immédiatement ou rester là si on a une question à lui poser, un problème à soulever.


21h30. C'est l'heure du couvre-feu. Tout le monde au lit. On est crevés, le lendemain on se lève à 4h, et on a rien à faire de toute façon, alors on se couche avec bonheur.



Pause entre les méditations. 5-10 minutes pour détendre les jambes, craquer les os, boire un coup à la fontaine d'eau traitée, pisser un coup. Chacun reste dans sa bulle. Certains font des étirements, d'autres s'allongent, s'assoient sur les bancs, beaucoup font des va-et-vient en marchant. On se croirait un peu en prison, au moment de la promenade. Le silence totale est de mise. Si ce n'est, dehors comme à l'intérieur, les réguliers pets, rots, raclements de gorges, toux. Les indiens ont apparemment des problèmes d'aérophagie chronique. Les pets comme les rots sont monstrueux et décomplexés. Des fois, on dirait un mini-concert de musique concrète. Deux-trois fois cela me fera rigoler malgré moi, avec un fou rire incontrôlable qui, bien que contrôlé au maximum, durera bien 5-10 minutes. Les assistants sonnent le gong et ramènent les brebis en déambulant cloche à la main aux différents endroits fréquentés par les prisonniers qui font leur ronde. On repart pour une heure, une heure et demi de méditation intensive.


Les vraies pauses avec déjeuner ou thé sont extrêmement attendues. Les repas sont assez légers (même si probablement suffisants – la méditation est plus efficace sur un estomac à moitié vide), pas forcément délicieux, et très peu variés. Mais on mange avec appétit. La méditation, ça creuse, et les gargouillis des estomacs se font entendre avec insistance tout au long de la journée.


Au repas du matin : du porridge (avec ou sans sucre), du thé (ou de l'eau avec du citron, ou du lait), des graines germées inidentifiées, parfois un bout de papaye ou des graines de grenade, ou une banane, souvent des tartines de pain noir et du ketchup.

Au repas de midi : pas de thé (horreur et damnation ! C'est ce qu'il y a de meilleur ici!) mais un verre d'une espèce de soupe rouge pas bonne, du riz, une espèce de dhal, des sauces aux légumes différentes et inidentifiées (souvent pas top du tout) et des chapatis. En gros, une espèce de thali.

Au goûter : des espèces de céréales qui ressemble à de la bouffe pour oiseau, une espèce de porridge, et du thé. Pour les « old students », de l'eau citronnée et rien d'autre.


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Le discours de Goenka de la veille au soir nous avait prévenu et mis en appétit. Demain, quatrième jour, c'est le début des choses sérieuses. Nous allons participer à notre première séance de méditation Vipassana. Goenka nous le dit clairement : ces trois derniers jours, nous avons travaillé dur pour nous mettre en condition pour ce premier véritable cours. Pendant deux heures, on devra tenir notre position et écouter le cours, travailler dans cette immobilité. A la sortie de ce discours du soir, je demande à Stéphane (on peut exceptionnellement poser une question aux assistants, d'ordre pratique essentiellement) comment on sera censé réagir à la douleur. Essayer de l'ignorer, la supporter jusqu'au bout...Quoi ? Il me sourit et me répond que toutes les indications là-dessus me seront données demain avant le cours. Très bien, c'est pas vraiment son rôle de répondre à ce genre de questions après tout.

Toute cette quatrième journée, on continue de travailler, plus précisément, plus finement que les jours précédents. A quinze heures enfin, l'heure de la méditation Vipassana a sonnée. Je m'installe, le plus confortablement possible, m'attendant à souffrir. Les traditionnelles chants de début de session, puis des instructions classiques de respiration et de sensation. Je suis concentré, attentif, sérieux. Goenka ne cesse de parler à travers les enceintes. Il nous demande attention (« Be aware », comme Van Damme), calme, concentration, nous pousse un peu plus profondément dans la méditation, nous pousse à aiguiser notre attention aux sensations. Au bout de peut-être trois quarts d'heure – une heure, on est bien à point. Très concentrés, avec en parallèle la douleur qui commence à bien se faire sentir dans les jambes, mais c'est encore tolérable.
On commence les nouveaux exercices, spécifiques à Vipassana. Il nous explique que l'on va scanner notre corps, en examiner chaque parcelle, et y observer toutes les sensations qui y émergent. Depuis hier, et tout au long de ce cours, la pression est bien montée. « C'est pour demain...le moment tant attendu...le vrai départ...enfin, on va commencer...aujourd'hui on va...tout à l'heure...bientôt...on va commencer...ça y est... on va faire ci...on va faire ça...ne pas bouger, ne pas bouger... ». J'attendais les consignes spécifiques à notre comportement attendu, à notre réaction supposée à la douleur. Je devrais me contenter de « Gardez votre position. Ne bougez pas. Gardez les yeux fermés ».
Et c'est parti. Il faut partir d'un point précis « at the top of the... ». « At the top of the » quoi ?! Comprend pas ce mot. Qu'est-ce qu'il a dit ? « Concentrez vous sur cette partie et observez les sensations qui y émergent ». D'accord, mais le haut de quoi, top of the head ? top of the lip ? (Haut de la tête ? Haut de la lèvre ?). Saleté d'accent, je suis pas sûr. Après coup, ça semble évident, mais pas sur le moment, surtout qu'on a beaucoup bossé depuis le haut de la lèvre. Je vacille et hésite entre les deux zones avant de comprendre enfin qu'on part bien du haut de la tête. J'ai du mal à naviguer comme ça sur mon corps, à choisir précisément la zone que je veux observer. J'ai bien une espèce de barre qui me sort du crane, comme une corne en haut du front, mais c'est pas vraiment au sommet du crâne, c'est bon quand même ? Parce que j'arrive pas à l'atteindre le sommet. Pas le temps de gamberger qu'on est déjà passé à autre chose. On doit glisser à l'arrière du crâne, puis au visage. J'arrive pas à suivre, j'arrive pas à glisser d'une zone à l'autre. Merde, comment faut faire. Ça enchaîne vite et j'ai toujours pas observer quoi que ce soit correctement. Mais il faut que j'écoute attentivement les instructions, que je suive le rythme.
« Si vous tombez sur des zones où vous ne ressentez rien, ne vous inquiétez pas, restez là, et observer. Ne perdez pas votre calme, ne forcez pas les choses, restez équanimes. équanimes. »
Equanimes ? Qu'est-ce que c'est que ce mot ? Vu le contexte, j'ai une vague idée, mais bon. Il le sort sans arrêt maintenant. « Equanimes. Restez équanimes. L'important, c'est l'équanimité. ». Bon allons-y pour équanimes, je vais pas me focaliser sur la définition de ce mot.
Pour les zones insensibles, j'en ai bien, mais je peux pas rester au-dessus à les observer tranquillement, tout simplement parce que j'arrive pas à les atteindre. Ces parties de mon corps sont comme des trous noirs. Je n'arrive même pas à les visualiser. J'essaie de m'y rendre mais reste coincé à leur frontière. J'oscille encore, entre les zones où je perçois des sensations, et les zones qui refusent d'exister, de s'offrir à l'observation de mon esprit. Je suis partagé entre l'observation équanime des zones sensibles, et les tentatives vaines et frustrantes de forcer l'entrée de ces zones noires. Je suis de plus en plus schizophrène au fur et à mesure qu'on avance dans le processus de scan du corps. Une partie de mon esprit se concentre de son mieux et travaille. L'autre partie laisse monter la colère et la frustration. Ça marche pas du tout comme je l'espérais. C'est compliqué, je comprends pas les bases de la technique, j'arrive pas à suivre, à exécuter les consignes simples de Goenka. J'ai l'impression d'être dans un labyrinthe. Goenka me dit « Maintenant, tu vas de là à là », sauf que je trouve pas la sortie, et je me prend des murs dans tous les sens. J'arrive pas à sortir de telle zone pour aller naturellement dans l'autre. Je suis sur le sommet d'un immeuble et il me dit : maintenant va sur l'immeuble d'en face et examine son toit. Facile à dire, mais y'a vingt mètres entre les deux, je fais comment, moi ?!
Ce qui aggrave aussi franchement les choses, c'est l'état incroyablement douloureux de mes jambes et de mon dos. Ça aide pas pour être équanime, tout ça. La douleur dérange ma concentration. Et moins je suis concentré, et plus je ressens la douleur, et ainsi de suite. Je suis de plus en plus énervé. Goenka me demande d'observer la petite et subtile démangeaison ou pulsation qui peut émerger de mon épaule gauche ou du bout de mon nez, quand au même moment j'ai l'impression de me faire torturer, les jambes écartelées, brûlées, poinçonnées de milliers de coups de poignards. J'ai envie de le tuer. Ne pas bouger. Ne pas bouger.

Je suis furax non seulement parce qu'ils me font souffrir atrocement, mais je suis en colère encore plus parce que je suis en colère (c'est pas clair ?). Ils sont fautifs à mes yeux de m'avoir fait perdre mon calme, ma concentration. Pendant quatre jours, j'ai bossé comme un fou. Plus que la plupart, j'en suis persuadé (et ça sera confirmé). J'avais atteint une sérénité, une clarté d'esprit impressionnante à mes yeux. Et voilà, en moins de deux heures, ils ont réussi à tout foutre en l'air. Tout mon travail, réduit à néant. Tout ça parce que je suis leur règle qui dit de ne pas bouger, qui dit que je dois souffrir sans rien faire, laissez les choses empirer sans bouger, laissez la douleur irradier dans tout mon corps, m'envahir et me bouffer la cervelle. Sans réagir. Tout ça aussi parce que je n'arrive pas à appliquer des consignes très concrètes en apparence, mais abstraites et inconcevables à mes yeux quand il s'agit de les appliquer. Je suis fureur, je suis douleur, et je suis frustration et désespoir. Parce que j'échoue. Je suis en train de perdre. Je suis en train d'ajouter un nouvel échec à ma collection et j'ai le sentiment que c'est celui de trop. Encore un objectif non atteint, un projet inachevé, une résolution oubliée, une promesse brisée. Je suis dans un état physique et mental lamentable. Je n'essaie plus d'appliquer les consignes d'un Goenka dont je ne peux plus supporter la voix, calme, basse et insouciante. Je tremble, je sue, je serre les dents comme un dément, tentant de contenir la souffrance. Mon visage est déformé par la douleur, ma respiration chaotique, saccadée, asphyxiée. Mon corps n'est plus qu'un plaie ouverte. Un écorché vif. Mon esprit n'est plus que haine, colère, envie de meurtre. Les minutes durent des heures. Et cette voix qui ne s'arrête jamais, ces instructions impossibles qui n'en finissent pas. Je lutte pour ne pas sombrer, tomber dans les pommes ou laisser éclater ma rage. Enfin, j'entends le chant de fin du cours. Le calvaire est bientôt terminé. Mais ce chant dure, et dure une éternité. La cassette s'arrête. J'ouvre aussitôt les yeux, écarte mes jambes mortes à l'aide de mes bras, me lève difficilement mais motivé par la rage, et pars vite de cette salle de malheur, en marchant comme un éclopé.

Je suis déchiré entre l'irrésistible envie, besoin de me barrer pour de bon, et la peur d'affronter un nouvel échec difficile à avaler. Bonne chose, cette absence de communication entre les participants, finalement, jusque dans les regards. Parce que j'aurai pu devenir franchement violent pendant les moments qui ont suivi. J'avale mon thé et sort de la cantine alors que les trois quarts des étudiants sont pas encore arrivés. Je vais allonger mon corps meurtri sur mon lit et tente de sortir quelque chose de censé de la bouillie qu'est devenu mon esprit. J'essaie de me calmer, d'éteindre l'incendie. Difficile de réfléchir, de prendre une décision. Je suis clairement dans la merde. « Should I stay or should I go now... ». Chanter les Clash m'aide pas plus. Maintenant que la rage s'est éteinte, j'essaie une petite méditation, voir ce que ça donne. Vu l'état précédent, y'a forcément du mieux, mais la colère refait vite surface quand je me confronte aux difficultés des consignes. Et ma cervelle arrête pas de papoter dans tous les sens, un vrai hall de gare. Pas moyen de trouver la paix. A 18h, je me rends au hall pour une heure de méditation, et fais de mon mieux. J'en reste au même point, c'est désespérant. Alors vient le discours audio de Goenka. Comme d'habitude, il te raconte ta journée avec acuité. Et ce salaud te donne en détails les instructions, avec des petits trucs pour t'aider à appliquer la technique. Mais fallait le dire plus tôt, ça, gros malin ! Maintenant, c'est trop tard. Je décide malgré tout de passer la nuit là, essayer encore demain, espérant être calmé.

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Je me lève l'esprit embrouillé mais plein de bonnes intentions. J'essaie d'oublier la journée d'hier, refouler toute négativité. Mais les deux premières heures sont catastrophiques. J'arrive à rien, même pas à observer ma respiration. C'est pire que le premier jour de méditation, bien pire que la première heure. Mon cerveau est pris dans un moulin à paroles, et la technique est inapplicable. Y'en a marre. Je vais demander un entretien avec le prof. S'il est de bon conseil, je reste. Sinon, je me casse. Normalement, les entretiens sont à midi, mais il accepte de me voir à 7h30...

Je voyais bien que tout le monde se portait bien. Tout le monde suivait, tout le monde se trouvait a l'endroit supposé et ressentait les choses supposées. Les gens comprenaient la technique et l'appliquaient. Moi, qui avait été un élève modèle, j'étais perdu, confus, sans plus aucun repère, désespéré de retrouver un semblant de concentration, désespéré de voir les autres avancer alors que je restais en rade, immobile, et de retour a la case départ. Et encore, bien pire qu'à la case départ, car rempli de frustration, de colère et de désespoir.

A ce premier entretien, le prof me dit que cette douleur ressentie, cette colère qui me submerge, tout cela c'est bien, cela veut dire que la chirurgie a été profonde, que j'avais bien travaillé avant. Cette confusion, il ne faut pas que je m'en inquiète. Que je revienne à la respiration, me concentre sur les narines et leur région et revienne petit à petit aux sensations. Je venais à lui en me disant : « S'il me répond pas comme il faut, s'il ne m'aide pas et me sors des banalités philosophiques dignes d'un gâteau chinois, je me casse. » Il a répondu exactement ce que je voulais entendre a ce moment là.

1) Que toute cette douleur, confusion, colère avait une raison, et qu'elle était le signe d'un bon travail. Me voilà encouragé et l'égo satisfait.

2) Il parle technique, très précisément, m'indiquant un chemin concret pour revenir au travail.


Je suis sorti de cet entretien remotivé et même euphorique. Le calme revenu, envahi de positivité, je me remets au boulot. Quelques heures plus tard, sans résultat, la confusion revenue, je n'arrive à rien, je rumine et réalise que ce qu'il m'a dit c'est des conneries. Ma douleur n'avait rien de mental, elle était purement physique. Mes jambes brulaient sous les flammes de l'enfer, mon dos menaçait de se briser en mille morceaux. Purement physique. Ma colère : très concrète et localisée, compréhensible. Rien avoir avec les sankharas libérés par une « chirurgie mentale ». Il m'a dit ce que je voulais entendre mais c'était des mensonges, ou du moins des erreurs. J'en reviens au même point : Pourquoi m'ont-ils fait subir ça ? Comment je fais pour retrouver mon état de concentration, reprendre le travail et laisser ça derrière moi ?


A la fin de la journée, après 21h, je suis resté dans le hall de méditation pour avoir un nouvel entretien, public cette fois, avec le prof. Je suis le dernier étudiant dans la salle. Reste les deux profs, homme et femme, et les nombreux assistants. Pendant au moins dix minutes, j'explique mon cas, mes angoisses, parle avec franchise. J'attends son aide, des encouragements, des méthodes nouvelles pour m'aider à me remettre au travail. Depuis quelques heures, j'ai vraiment touché le fond et n'arrive strictement plus à rien. C'est le chaos et l'agitation la plus totale. Un peu plus tôt, désespéré, j'ai même lâché quelques larmes, ne sachant plus comment m'en sortir.


Nous sommes à présent dans le travail de la technique propre a Vipassana, l'observation équanime des sensations sur le corps, suivant un chemin ordonné de la tête aux pieds. On commence par observer le haut du crâne, noter les sensations (picotement, chaleur, pression, tension, transpiration, palpitation, pulsation, douleur, démangeaison, n'importe quelle sensation) sans agir dessus, sans y réagir, qu'elles soient agréables ou désagréables n'a pas d'importance. On doit se contenter de les observer. On part donc du sommet du crâne, puis l'arrière du crâne, le haut du visage, le bas du visage, les oreilles, le cou et ainsi de suite, zone par zone, de la tête aux doigts de pieds, sur tout le corps. Pendant des heures, je travaille là-dessus sans relâche, avec le plus grand calme possible. Pendant des heures, je reste coincé au sommet du crâne, comme paralysé, incapable de bouger ailleurs, de scanner mon corps à la recherche de sensations. Je ne ressens presque plus rien, que les sensations les plus grossières comme la douleur dans mes jambes, quelques gouttes de sueur dans mon dos, une démangeaison par-ci par là. Mais je ne peux même pas les observer, car on doit procéder par ordre. Si je veux observer mes jambes, je dois d'abord passer par le visage, le cou, le dos, le torse, les bras. Or je suis immobilisé sur le haut du crâne. C'est difficile à faire comprendre, de faire transmettre le sentiment qui me traverse dans ces moments là. C'est une expérience que l'on doit faire soi-même pour comprendre l'abîme dans lequel on se trouve alors.


Ce soir là, je vais au professeur comme après une bouée de sauvetage. Il me dira alors de recommencer le travail depuis le début, reprendre à l'observation de la respiration qui rentre et sort des narines. Je lui dit que je l'ai fait, mais que rien n'y fait, ça ne me permet pas de retrouver ma concentration, que je ne suis plus capable de rien. Il insiste : « Reprenez votre travail d'observation de la respiration. Ça vous prendra peut-être deux jours, cinq jours, jusqu'à la fin de cette session ou au cours d'une éventuelle deuxième session, mais il faut que vous repartiez de la respiration. ». Je viens de finir mon cinquième jour, j'ai trimé, souffert comme un malade, et cet homme me dit qu'il faut que je recommence depuis le début. Il me dit que je ne retrouverai peut-être pas mon calme et ma concentration d'ici la fin des dix jours, mais qu'il faut que j'insiste malgré tout. Il aurait voulu m'achever, finir de me décourager, qu'il se serait pas pris autrement. Je vais me coucher, piteusement. Si demain midi, je ne ressens aucune amélioration, c'en est fini je me casse.


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Réveil démoralisé. Je m'installe et fais de mon mieux, mais j'ai plus la tête à ça. Je ne suis plus que tristesse, déception, frustration. Quand je parle de ses sentiments qui me traversent, c'est un peu différent, en intensité, de ceux qu'on ressent dans la vie de tous les jours. Ici, tout est exacerbé, multiplié, purifié. Notre esprit, après plusieurs jours de méditation, est lui aussi purifié. On a vécu en vase clos, dans le silence, sans interférence, sans parasite. On ne pense plus à grand chose à part notre respiration et notre travail. Quand ces sentiments apparaissent, c'est d'une violence, d'une intensité incroyable. Dans la vie de tous les jours, il y a des moments où l'on est heureux, triste, désespéré, confus. Ici, ce serait plutôt que l'on EST bonheur, tristesse, désespoir, confusion. Quand je dis que je ne suis plus que tristesse, c'est que je ne suis rien d'autre, tout mon être en est envahi. Je n'arriverai jamais à faire comprendre cet état, il faut le vivre soi-même. C'est d'ailleurs un leitmotiv de l'enseignement de Vipassana, que tout doit être par soi-même expérimenté. Ne pas croire le maître parce qu'il dit, mais l'expérimenter et vérifier par soi-même. Ne pas croire. On peut faire confiance (sinon pas d'enseignement possible) mais on ne doit jamais croire. J'aurai donc beau faire de mon mieux pour vous transmettre mon expérience, ce que j'ai traversé, bons et mauvais moments, n'appartient finalement qu'à moi.


Je tiens une heure et me barre du hall de méditation. Je range ma chambre, fais mon sac, et attends l'heure du petit-déjeuner pour annoncer mon départ. Je cherche Stéphane sans succès, puis l'attend à la sortie du réfectoire. Un autre assistant me tombe dessus et me dit que je ne peux pas attendre là, mais doit être dans le quartier des étudiants. Je lui annonce que je veux partir, et que j'attendais Stéphane pour lui demander comment ça se passe. Coup du sort, coup du destin. Si j'avais trouvé Stéphane avant que cet assistant ne me parle, je suis persuadé qu'il aurait su trouver les mots pour me convaincre d'insister. Je le sais d'autant plus que ces mots, il me les a dit quand on s'est enfin revu, trop tard, quand mon départ était alors officialisé et imminent. L'assistant me dit de retrouver le professeur dans le hall dix minutes plus tard. La machine est lancée et mon esprit commence à retrouver un peu de calme.


J'explique mon cas au professeur, qui dit qu'il ne me retiendra pas mais qu'il me déconseille fortement de quitter ce cours au beau milieu des dix jours. Ma décision est irrévocable, il ne peut rien y faire et ne trouve rien à dire pour changer les choses. Je lui demande tout de même pourquoi il aura fallu me faire passer (moi comme les autres) par ce calvaire, pourquoi si long, pourquoi si dur ? Pour la première fois, je le vois emmerdé, ne sachant quoi répondre. Il me dit qu'il ne saurait l'expliquer, que c'est comme ça que ça doit se passer, qu'il n'y a pas d'explication et qu'on doit l'expérimenter (et aller au bout du cours) pour comprendre. La communication est définitivement rompue. Cet homme me parle mais ses paroles ne m'atteignent pas. Ses mots me passent au-dessus, à côté. Il ne peut rien pour moi. Il n'a rien à m'apporter et j'ai perdu toute confiance en lui. Je sais alors que je n'ai plus rien à faire ici. Sa simple présence suffit à me saper le moral et me décourager. Pourquoi je suis le seul à être coincé ? Pourquoi je suis le seul à être perdu, confus dans cette proportion ? Pourquoi je semble être le seul (avec l'anglais) à être passé par un calvaire ? Pourquoi je suis seul à partir, à briser ma promesse de rester dix jours quoi qu'il arrive ? Tout ça me pose question, mais ce n'est pas cet homme qui m'aidera à y répondre. C'est officiel, le maître « m'autorise » à partir. Je dois quitter le centre entre 8 et 9h, alors que tout le monde médite dans le hall. D'ici là, je reste tranquillement dans ma chambre et ne perturbe en rien les autres étudiants. Cela va sans dire.


Stéphane passe avec sa cloche dans les allées pour rameuter les étudiants dans le hall. Fin de la pause. Il me voit à l'entrée de la chambre, qui ne réagit pas à son appel, et mon regard non pas profondément enfoui dans ma méditation mais alerte et vivant, le regardant véritablement, lui et pas une ombre. Il vient vers moi et me demande ce qui se passe. Je lui annonce que je me barre. Ses yeux sursautent de surprise. Moi, j'ai alors retrouver ma sérénité et ressens un immense soulagement à l'idée de partir. Il ne reste plus personne dans les allées alors il se pose avec moi et on discute. Il essaie de comprendre. Il comprend très bien. Il essaie de me convaincre encore de rester, me rapporte ses propres expériences, m'encourage, m'explique ce à quoi je peux m'attendre par la suite si je reste, que ça vaut vraiment le coup de finir les dix jours pour telle ou telle raison. Il me parle et je l'entend. Il me dit ce que j'avais besoin d'entendre. Des mots simples mais des mots justes. Des mots qui pansent mes plaies, me redonnent du courage, me donneraient la force de continuer. Je lui demande pourquoi le maître ne me parle pas comme ça.


« Pourquoi il ne m'a pas informé de tout ça ? Tu me dis que cela arrive à certains, que c'est passager même si douloureux. Que pour ceux qui passent par là, la « victoire », le bénéfice sont d'autant plus grands quand ils s'en sortent plus tard. Tu me dis exactement ce que j'avais besoin d'entendre.

- Mais c'est ça aussi ton problème. Tu voulais que le maître te dise ceci ou cela. Tu étais dans le désir. Tu n'acceptes pas les choses telles qu'elles sont, tu n'observes pas la réalité, tu attends quelque chose d'elle. Tu veux que les choses soient comme ci ou comme ça. Tu n'es pas équanime, or Vipassana, c'est justement ça, observer les choses. Qu'elles soient bien ou mal n'a aucune importance. Ne rien attendre, ne rien désirer, ne rien craindre ou répugner, juste observer la réalité, telle qu'elle est. Prendre les choses comme elles sont et pas comme elles devraient être. »


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Quand j'y pense, cette pratique, cette méditation me semble contraire à ce que je suis et à ce que je veux être. Le but ultime de Vipassana, la méditation enseignée en premier lieu par le Bouddha Gautama, est d'obtenir la libération. Libération par la purification, l'évacuation totale de tous les sankharas, les impuretés qui sont profondément ancrées en nous et qu'on produit tous les jours. C'est-à-dire les réactions aux situations, plaisantes ou désagréables, c'est-à-dire le désir, l'aversion et l'ignorance. Par l'observation de son corps et de son esprit, on expérimente par nous même l'impermanence des choses, le changement perpétuel, la souffrance dans laquelle on baigne. En réalisant, par expérience, quelle est la vraie nature de notre être, en se contentant d'observer sans plus réagir, on se libère des souffrances et acceptons le monde et les choses pour ce qu'elles sont. Je suis moi-même une boule de désirs et d'aversions. Stéphane me dit que justement , c'est pourquoi cette méditation me serait bénéfique. Et je suis d'accord avec lui, j'en suis trop plein. C'est d'ailleurs pour cela que je suis venu en premier lieu. Pour calmer un peu le jeu, mettre un peu d'ordre dans tout ça, trouver un semblant de sérénité. Mais je ne peux m'imaginer sans désirs ni aversions. Je vis à travers elles, je me définis par les réactions face au monde qui m'entoure. Qui serais-je sans mes désirs d'amour, sans mes ambitions (encore et à jamais inassouvies) artistiques ou spirituelles, sans mes colères face à l'injustice ou la bêtise, sans mon éternel besoin d'ailleurs, sans mon besoin de mouvement, de changement, que serais-je sans mon regard critique, mes révoltes, mes tendresses, ma compassion, ma haine, mes doutes. Vipassana nous enseigne que le « moi » n'est qu'une illusion, aussi bien physiquement que mentalement. Le « moi », le « je » n'existe pas. L'illumination nous libère de cette illusion. Je ne contredis pas cette idée. Elle est même sans doute vraie. Je dis juste qu'elle ne me convient pas. Je ne veux pas être libéré de mon égo, de mon « moi ». Je veux être plus que jamais « moi », au plus proche de mon « moi », exprimer au mieux mon « moi », sans être bien capable de dire ce que c'est exactement, ce « moi ». Laissez-moi vivre cette quête illusoire du « moi », cette recherche de l'harmonie avec l'essence de mon « moi ». Délivrez moi d'une partie de mes souffrances, soulagez moi si possible de certains de mes fardeaux, mais ne faites pas disparaître mon « moi » dans le processus. C'est un miroir à deux faces. Cet attachement au « moi » est source de mes misères, mais tout autant source de mes bonheurs.
Plutôt le chaos que la libération.


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Stéphane m'accompagne jusque Jaipur. Il a la crève, il va voir un docteur en ville. On continue nos discussions dans le rickshaw, sur Vipassana, et sur nos vies. Il descend plus tôt que moi. A une prochaine, camarade.

 

"Chauffeur, arrêtes toi dès que tu vois un marchand de cigarettes!" Autant ça m'a pas manqué quand j'étais au centre, maintenant que j'en suis sorti, et avec la tonne de stress que je viens de me taper, j'ai absolument besoin de fumer. Clope au bec, je descend au même hôtel. Je me fais une bonne heure de méditation, et pars en ville. Tout est différent. Je suis un peu dans les nuages, et extrêmement relâché. Cette horrible ville de Jaipur, avec sa circulation chaotique, sa pollution infernale, sa chaleur suffocante, sa laideur déprimante, et son incalculable armée de trous du culs professionnels et autres casse-couilles amateurs, tout ça me passe au-dessus. La méditation, même foutue en l'air, a porté ses fruits. Qu'est-ce que ça doit être quand on en sort l'esprit apaisé, après les dix jours accomplis. Je me sens inattaquable, imperturbable, et heureux. Comme au-dessus du commun des mortels, en légère lévitation. Et cela semble se voir, parce qu'on m'emmerde pas, et les rickshaws se contente d'un léger signe de tête et accepte ainsi mon refus. Je me pose dans des petits bouis-bouis, pour de la bouffe ou un thé. Et je discute paisiblement avec des indiens souriants et sympathiques. Leur connerie d'avant Vipassana devait être multipliée par la mienne, j'imagine. Et maintenant que je suis plus relax, ils le sont aussi.


Deux jours plus tard, plus la moindre trace de mon état second, mais je ne vois plus les choses de la même manière tout de même. Je relativise, j'accepte plus l'Inde telle qu'elle est. Je la changerai pas, alors...J'irai pas jusqu'à dire, comme un trou du cul célèbre, "Aimez la ou quittez la", mais je m'adapte, et tout se passe plus simplement.

Publié dans INDE

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P
<br /> salut!<br /> j'ai fait une retraite vipassana très récemment dans le centre en France. je ne savais pas où j'allais et je me disais que si ça n'allait pas je pouvais toujours partir. ancienne toxico, grande<br /> dépressive, hypersensible et très émotive, un fort égo, pleine d'ambitions, et pleine d'échecs passés, on peut dire que je me traîne des putains de boulets depuis longtemps. l'expérience a été très<br /> dur, psychologiquement et physiquement, mais à part le premier jour et un peu le cinquième où je me suis vraiment demandé ce que je faisais là, je n'ai jamais eu envie de partir. il fallait que<br /> j'aille au bout (sans critique pour toi bien-sûr, chacun son expérience). en plus, je prenais encore un médoc très fort dont je n'avais dit mot au centre (eh oui j'ai menti!). souffrir pour<br /> souffrir j'en ai profité pour baisser de moitié ce médoc de merde! alors j'ai souffert de la douleur normale lors d'addhitana (je ne connais pas l'orthographe, désolée) mais aussi du manque à<br /> certains moments (douleurs plus fortes et montée de température titanesque). j'ai passé des caps dont je ne me serai pas cru capable. j'ai eu des moments de bonheur intense à la fin d'addhitana<br /> lorsque je n'avais pas bougé d'un poil, luttant contre mon esprit et subissant des douleurs horribles. cette expérience m'a littéralement transformée. à présent je suis revenu dans ma vie<br /> quotidienne et là c'est bien plus difficile, que ce soit au niveau des préceptes de vie qu'on nous a enseigné (se libérer de l'attachement, du désir, de l'aversion; rester équanime à toutes<br /> situations, etc.) et de la méditation à proprement parlé (lors du stage, j'ai toujours eu de gros problèmes avec mon esprit, ce qui est la cas de tout le monde je pense; mais depuis que je suis<br /> rentrée, c'est x100!, mais je m'accroche).<br /> tout ça pour te dire que chacun vit sa propre expérience par rapport à son expérience passé, son éducation, ses problèmes psycho et physiques (d'ailleurs dès le deuxième jour j'ai demandé à avoir<br /> une sorte de siège, 2 planches attachées perpendiculairement, pour me tenir le dos car j'ai une grosse scoliose, mais au fur et à mesure des jours je l'ai de moins en moins utilisé), ses attentes,<br /> etc.<br /> tu as déjà vécu une expérience très enrichissante, et surtout n'ai aucun regret d'être parti. chaque chose en son temps. cette fois, tu as peut-être été jusqu'à ta limite. mais rien ne t'empêche de<br /> réitérer l'expérience quand tu le sentiras, en france ou ailleurs. si tu veux qu'on en discute plus, envoie moi un mail, ce sera avec plaisir que j'échangerai avec toi ma propre expérience.<br /> prends soin de toi.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
Gros dégât psychologique avec délires de vampires psychiques pendant une ma retraite Vipassana <br /> …<br /> Je suis traumatisé à vie par ma retraite vipassana que j’ai du quitté les jambes au cou avant la fin, ma psychiatre a réussie à faire sauter la barrière de mon silence et me recommande d’en parler.<br /> <br /> Vipassana Day : La douleur des méditants qui essayaient de ne pas réagir à la souffrance était extrême, ces personnes étaient volontaires, pour souffrir sans bouger pendant une heure en tailleur, l ‘odeur acre de la souffrance était perceptible dans le hall…<br /> <br /> Moi je ne comprenais pas pourquoi la douleur pouvait m’aider dans la technique alors malgré ma promesse j’eus l’impression d’ouvrir les yeux et d’un seul coup tout Bascula.<br /> <br /> Ce fut le pire cauchemar de mon existence, l’intérieur du hall auparavant bien quelconque ressemblait désormais à celui d’une vieille cathédrale moyenâgeuse et des « trompes animales » larges, hideuses, se déplièrent lentement des voûtes vers certains méditant.<br /> <br /> Des prêtes en habits faisaient leur office parfaitement satisfaits de notre situations, mais aucun méditant ne semblait pouvoir réagir, ils sentaient dans leur âmes que quelque chose n’allait pas mais ils s’obligeaient à rester sans réagir, j’ai hurlé aux autres d’ouvrir les yeux, mais j’étais totalement paralysé, et rien ne sortit de ma bouche.<br /> <br /> J’ai assisté impuissant, immobilisé par la peur, au calvaire des méditants qui s’efforçait de ne pas bouger, de tenir, je ne voyais plus que leurs troncs, certains s’étouffaient, à la place de leurs têtes ou de leurs membres inférieurs d innommables « boyaux » animés par des spasmes de déglutition.<br /> <br /> C’était une aspiration de substance vitale, psychique, une curée lente, douloureuse, les prêtes ne cessaient leurs incantations, les notions de temps et de distance n’existaient plus.<br /> <br /> L’extrême douleur que s’infligeaient les méditants dans une passivité volontaire semblait être la condition et la nourriture des trompes.<br /> <br /> Soudain le gong, une violente remonté de la douleur, puis cette odeur dans la salle, … oui c’était de nouveau une salle quelconque, rien n’avait changé…<br /> <br /> Aujourd’hui tous mes repères sur la vie, sur dieu, sur la société sont aujourd’hui éclatés.
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J
<br /> La vache ! Ben, je crois que je peux m'estimer heureux de ne pas être passé par ce genre de trip traumatisant. Comme quoi, y'a vraiment un truc spécial qui se passe pendant Vipassana. La plupart<br /> des gens en sorte contents mais certains comme toi et moi en prennent grave pour leur grade. Bon courage pour la suite en tous cas.<br /> <br /> <br />
G
Ton texte est sans doute la plus belle description de Vipassana que j'ai lue jusqu'à aujourd'hui, même si (ou grâce à?) tu n'es pas resté jusqu'à la fin. Dans ton cas, la douleur physique t'a empêché de continuer, et c'est dommage car il y avait une solution simple: s'asseoir sur une chaise. A une étudiante qui disait à Goenka que, depuis qu'elle avait trouvé une position plus confortable, elle sentait moins de sensations et s'en inquiétait, Goenka répondit que si le but était de créer des sensations par l'incommodité, alors tous les étudiants devraient s'asseoir sur un tapis de clous.J'ai fait un cours en Inde (Karnal), et j'ai passé quatre jours à me débattre avec la position du lotus... Au quatrième jour, j'ai clairement dit au teacher: "impossible de rester assis une heure sans bouger, je veux méditer assis sur une chaise". Il m'a répondu: "pas de problème". D'ailleurs, tu noteras que Maitreya, le Buddha à venir, est représenté assis sur une sorte de banc.J'espère que tu referas un cours, je sais que tu le feras et le termineras.
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J
<br /> Merci de ton commentaire, ça fait plaisir. J'ai toujours en tête d'y retourner et de finir ces satanés 10 jours. Je sais pas quand, mais je reste persuadé que ça peut me faire un bien fou, surtout<br /> que maintenant je saurai où je mets les pieds...<br /> <br /> <br />