Brazil, la la la la la la la la...
Je me lève tôt, commande un petit-déjeuner dont j'ignore tout dans un resto des environs. Ils en profitent pour m'enfler en m'apportant des trucs en plus que je pensais inclus. Ça gueule pour l'addition mais je paie pour ce que j'ai mangé, même si pas commandé. Pendant le repas, a la télé, entre deux matchs de catch américain dont les indiens semblent friands (y'en a quasiment 24h/24 a la télé), ils zappent sur les infos ou, avec un habillage graphique et une musique apocalyptique, on parle du Big-Bang et de l'expérience qui va avoir lieu a Cern. Avec des titres genre "Est-ce qu'on peut s'attendre a la fin du monde ? " ou "Est-ce qu'on va tous se faire engloutir dans un trou noir ?", on peut dire qu'ils jouent dans la surenchère. Ils font des montages d'images dans un style de film d'horreur, sur lequel il rajoutent des musiques qui sonnent comme des messes sataniques. Y'a t'il un pays ou les journaux télés sont encore sérieux et objectifs ? La peur se lit dans les yeux de l'employé qui regarde ça comme hypnotisé, essayant de rameuter ses collègues qui s'en foutent pas mal de l'apocalypse.
Si je me suis arrêté a Chandigarh, c'est parce que c'est une ville entièrement conçue par un architecte, Le Corbusier, dans les années 50, a la demande de Nehru, qui avait besoin d'une capitale pour la partie indienne du Punjab, et voyait la l'opportunité de construire une espèce de "symbole du futur de l'Inde". Ça a donne une ville hyper-ordonnée, divisée en secteurs de tailles identiques, avec de larges rues parallèles ou perpendiculaires. Tous les bâtiments sont construits en béton, et les bâtiments administratifs et politiques sont tres portés "art moderne". J'étais curieux de voir ça.
Pour ce qui est du plan de la ville, forcément, c'est pas tres impressionnant vu du sol. Mais c'est vrai que ça circule bien. Reste les quelques bâtiments significatifs, pour lesquels il faut un permis, que je vais chercher a l'office du tourisme. Je demande a l'hôtel si ça pose pas de problème que je laisse mon sac dans un coin jusque 14h , pendant que je fais mes visites. Je pose la question pour la forme, tous les hôtels le font sans problème. Tous, sauf celui-la (Transit Lodge, a éviter). Le "check out" est a 12h. Si je veux laisser mon sac traîner dans un coin pendant deux heures, faut que je paie une nouvelle nuit. Je suis consterné. J'essaie de discuter mais je parle a des murs. Des fous dangereux, sans aucun doute. Je les envoie se faire foutre par des mots délicats dont j'ai le secret, mais c'est tout de même moi qui l'ai profond. Bon, ben va pas falloir traîner, j'ai que deux heures devant moi.
Je vais d'abord au "Rock garden", un jardin entièrement construit de bric-a-brac, de statues naïves composées d'éléments hétéroclites, vision d'un excentrique solitaire cousin du facteur cheval. Je donne mon billet de 50 rp au guichet. Il en veut pas. C'est trop gros ! Il a pas la monnaie. Ils ont jamais la monnaie !!! J'ai pas plus petit, ça fait déjà qu'un gros dollar, 50 rp, faut qu'il arrête. Pas de monnaie. Bon, j'attends plus loin, les nerfs en pelote. Il me rappelle 5 mn plus tard, maintenant il a assez de monnaie. Je lui retend le même billet de 50. Il me le refuse encore. Cette fois, il est pas assez clean, trop vieux ou je sais pas. En tous cas, sa tête lui revient pas. Il se fout de moi, c'est pas possible. Je me barre de la, je peux plus voir la gueule du guichetier. Tout marche de travers dans cette ville. J'ai presque envie de pleurer tellement je suis dépité et énervé.
Je me rends a pied aux bâtiments administratifs signés Le Corbusier, non loin de la. J'arrive au tribunal. L'extérieur n'a rien d'original, et serait même franchement pas beau, mais c'est a l'intérieur parait-il que ça se passe. Je rentre et me fais tout de suite rattrapé par un gars qui me demande mon permis. Je le sors avec plaisir et lui tend. "Ah oui, mais ce permis la ne suffit pas. Il faut que vous alliez a tel endroit demander le permis 36-B trucmuche. C'est rien, juste une formalité, remplir quelques papiers." Qu'est-ce que c'est encore que cette histoire. C'est pas possible. Je pars de la. Je vais pas aller chercher cet autre satané permis, ça va suffire. Un avocat Sikh m'accoste et marche avec moi. "Alors vous trouvez comment Chandigarh ?" Je lui répond d'une voix calme et blasée. "Je hais votre ville. J'ai jamais vu une ville pareille. Depuis ce matin, j'arrête pas de tomber sur des gens désagréables, des fous. Je me fais refouler de partout, j'ai été chercher les permis nécessaires pour la visite mais il faut encore des permis dont personne ne m'a parlé avant. C'est une ville de fou. Je déteste votre ville. Je suis désolé de vous le dire mais je hais cette ville." Surpris, il me dit au revoir et bonne continuation.
J'essaie un dernier bâtiment quand même, le Secrétariat, le plus imposant de tous a ce qu'on dit. Des militaires gardent la route qui y mène. Je montre mon permis a l'un d'entre eux. Il est un peu perplexe, c'est pas le permis qu'il attendait. Du coup, j'aurais pu lui donner une carotte ou un pneu qu'il aurait pas eu l'air plus con, sachant pas quoi faire avec ça. Je lui dis qu'a l'Office du Tourisme, on m'a dit que ça servait de permis pour le Secrétariat, d'ailleurs c'est écrit dessus. Il passe le délicat problème a un supérieur, qui lit le truc attentivement, et m'annonce que mon permis ne suffit pas, il me faut une autorisation de secteur 9. Un permis de secteur 9...Bien sur, bien sur...Je suis idiot aussi d'avoir oublié mon permis de secteur 9. Les plombs ont sauté dans mon cerveau. Encéphalogramme plat. Je suis végétatif, reste sur le bord de la route pendant 5-10 mn. Je sais plus trop ou je suis, et surtout quoi faire maintenant. Je suis dans une ville tout droit sortie de "Brazil", une ville ordonnée, régulée, bureaucratique jusqu'à la folie. C'est naturellement une vision de cauchemar pour moi. L'ordre, la bureaucratie au pouvoir. Je peux pas m'en sortir, j'en verrais jamais le bout.
Je prends un tuk-tuk, prend mon sac a l'hôtel, salue les françaises qui s'en vont a vélo tenter la même chose, et je pars a la recherche d'un bus pour Shimla, encore un peu plus au nord, en Himachal Pradesh. Les bus pour Shimla partent d'une autre station, dans le secteur 43. Autre tuk-tuk et enfin je quitte cette chose infâme, cette dystopie (et paf, un gros mot, sortez les dicos) dont on loue l'ordre, la propreté, et le calme.
Si je me suis arrêté a Chandigarh, c'est parce que c'est une ville entièrement conçue par un architecte, Le Corbusier, dans les années 50, a la demande de Nehru, qui avait besoin d'une capitale pour la partie indienne du Punjab, et voyait la l'opportunité de construire une espèce de "symbole du futur de l'Inde". Ça a donne une ville hyper-ordonnée, divisée en secteurs de tailles identiques, avec de larges rues parallèles ou perpendiculaires. Tous les bâtiments sont construits en béton, et les bâtiments administratifs et politiques sont tres portés "art moderne". J'étais curieux de voir ça.
Pour ce qui est du plan de la ville, forcément, c'est pas tres impressionnant vu du sol. Mais c'est vrai que ça circule bien. Reste les quelques bâtiments significatifs, pour lesquels il faut un permis, que je vais chercher a l'office du tourisme. Je demande a l'hôtel si ça pose pas de problème que je laisse mon sac dans un coin jusque 14h , pendant que je fais mes visites. Je pose la question pour la forme, tous les hôtels le font sans problème. Tous, sauf celui-la (Transit Lodge, a éviter). Le "check out" est a 12h. Si je veux laisser mon sac traîner dans un coin pendant deux heures, faut que je paie une nouvelle nuit. Je suis consterné. J'essaie de discuter mais je parle a des murs. Des fous dangereux, sans aucun doute. Je les envoie se faire foutre par des mots délicats dont j'ai le secret, mais c'est tout de même moi qui l'ai profond. Bon, ben va pas falloir traîner, j'ai que deux heures devant moi.
Je vais d'abord au "Rock garden", un jardin entièrement construit de bric-a-brac, de statues naïves composées d'éléments hétéroclites, vision d'un excentrique solitaire cousin du facteur cheval. Je donne mon billet de 50 rp au guichet. Il en veut pas. C'est trop gros ! Il a pas la monnaie. Ils ont jamais la monnaie !!! J'ai pas plus petit, ça fait déjà qu'un gros dollar, 50 rp, faut qu'il arrête. Pas de monnaie. Bon, j'attends plus loin, les nerfs en pelote. Il me rappelle 5 mn plus tard, maintenant il a assez de monnaie. Je lui retend le même billet de 50. Il me le refuse encore. Cette fois, il est pas assez clean, trop vieux ou je sais pas. En tous cas, sa tête lui revient pas. Il se fout de moi, c'est pas possible. Je me barre de la, je peux plus voir la gueule du guichetier. Tout marche de travers dans cette ville. J'ai presque envie de pleurer tellement je suis dépité et énervé.
Je me rends a pied aux bâtiments administratifs signés Le Corbusier, non loin de la. J'arrive au tribunal. L'extérieur n'a rien d'original, et serait même franchement pas beau, mais c'est a l'intérieur parait-il que ça se passe. Je rentre et me fais tout de suite rattrapé par un gars qui me demande mon permis. Je le sors avec plaisir et lui tend. "Ah oui, mais ce permis la ne suffit pas. Il faut que vous alliez a tel endroit demander le permis 36-B trucmuche. C'est rien, juste une formalité, remplir quelques papiers." Qu'est-ce que c'est encore que cette histoire. C'est pas possible. Je pars de la. Je vais pas aller chercher cet autre satané permis, ça va suffire. Un avocat Sikh m'accoste et marche avec moi. "Alors vous trouvez comment Chandigarh ?" Je lui répond d'une voix calme et blasée. "Je hais votre ville. J'ai jamais vu une ville pareille. Depuis ce matin, j'arrête pas de tomber sur des gens désagréables, des fous. Je me fais refouler de partout, j'ai été chercher les permis nécessaires pour la visite mais il faut encore des permis dont personne ne m'a parlé avant. C'est une ville de fou. Je déteste votre ville. Je suis désolé de vous le dire mais je hais cette ville." Surpris, il me dit au revoir et bonne continuation.
J'essaie un dernier bâtiment quand même, le Secrétariat, le plus imposant de tous a ce qu'on dit. Des militaires gardent la route qui y mène. Je montre mon permis a l'un d'entre eux. Il est un peu perplexe, c'est pas le permis qu'il attendait. Du coup, j'aurais pu lui donner une carotte ou un pneu qu'il aurait pas eu l'air plus con, sachant pas quoi faire avec ça. Je lui dis qu'a l'Office du Tourisme, on m'a dit que ça servait de permis pour le Secrétariat, d'ailleurs c'est écrit dessus. Il passe le délicat problème a un supérieur, qui lit le truc attentivement, et m'annonce que mon permis ne suffit pas, il me faut une autorisation de secteur 9. Un permis de secteur 9...Bien sur, bien sur...Je suis idiot aussi d'avoir oublié mon permis de secteur 9. Les plombs ont sauté dans mon cerveau. Encéphalogramme plat. Je suis végétatif, reste sur le bord de la route pendant 5-10 mn. Je sais plus trop ou je suis, et surtout quoi faire maintenant. Je suis dans une ville tout droit sortie de "Brazil", une ville ordonnée, régulée, bureaucratique jusqu'à la folie. C'est naturellement une vision de cauchemar pour moi. L'ordre, la bureaucratie au pouvoir. Je peux pas m'en sortir, j'en verrais jamais le bout.
Je prends un tuk-tuk, prend mon sac a l'hôtel, salue les françaises qui s'en vont a vélo tenter la même chose, et je pars a la recherche d'un bus pour Shimla, encore un peu plus au nord, en Himachal Pradesh. Les bus pour Shimla partent d'une autre station, dans le secteur 43. Autre tuk-tuk et enfin je quitte cette chose infâme, cette dystopie (et paf, un gros mot, sortez les dicos) dont on loue l'ordre, la propreté, et le calme.